Le lavabo de la salle de bain se remplit, au rythme caractérisé de ce grincement si particulier, d'un coup de ciseau. Clic, une mèche de cheveu tombe. Clic, une nouvelle tombe. Clic.. Il parait que les femmes qui changent de coupes de cheveux et de couleurs, veulent souvent changer de vie. ça fait beaucoup de changement dans une seule phrase! La vérité, c'est que de se couper les cheveux, donne l'impression qu'on laisse tomber un poids. Je laisse tomber le mien, en disant au revoir à ma chevelure longue et rousse. Clic.. Je pousse un soupire à chaque fois, comme si j'accouchais une nouvelle fois. Ce n'est pas aussi douloureux, et le bonheur au sortir de ça, sera différent. Clic.. J'entends encore les portes battantes claquer, les bips ici et là qui retentissent dans le couloir, les roues qui font cloc-cloc sur le sol en lino aseptisé. Clic.. J'ai du mal à respirer, je pose mes mains à plat sur le rebord du lavabo, et je m'appuie, en laissant ma tête retomber en avant. J'entends une voix, et des pas, je lève le nez vers la porte... Mais rien ne vient, et je reprends mon clic-clic, pour terminer mon oeuvre. "Zoey tu es là chérie?" Me demande Nathan. Je nettoie range, et acquiesce avant de sortir, pour lui montrer ma dernière envie. Je fais passer ça pour une autre folie de Zoey, alors que c'est le signe que quelque chose à changer en moi, mais je ne lui dirais pas.

Comment oublier, la sensation désagréable de la chaise en faux cuir sous mes fesses? L'odeur de bois de santal et d'after shaves dans le cabinet du médecin? Cette figurine de squelette qui fume, adossée dans un fauteuil rose bonbon? Je tourne dans le lit, Nathan dort comme une souche, il ne doit pas capter mon trouble et c'est mieux ainsi. "Mme Shaw vous m'avez entendu?" Me dit le médecin et je levais la tête vers lui. "Oui... je crois..." Lui répondis-je, sonnée par la nouvelle. "Le seul traitement qu'il existe actuellement, c'est pour ralentir la dégénérescence de votre système nerveux, qui entraînera lui même des pertes de contrôles de votre corps. Je vais vous prescrire des neuroleptiques." J'hoche la tête, en regardant le coin de son bureau, le coin gauche même. "Rappelez moi le nom de cette maladie?" Lui demandais-je. "Bien sur... vous avez la Chorée d'Huntington. Un dérivé génétique de la maladie de votre mère." "Huntington... ça fait presque ville de vacances." Lui dis-je en esquissant un sourire, lointain le sourire, mais présent quand même. Il ne veut pas se prononcer sur le temps qu'il me reste à vivre, comment lui en vouloir... Il me donne une fourchette, plus de 2 ans, moins de 10 ans. J'hoche la tête encore et je n'arrive pas à pleurer, je pense à mon fils Ethan, je pense à Gabriel aussi... Mais je pense à Nathan en dernier. Je pense ensuite à Papa, au fait qu'il a déjà perdu sa femme, il y a maintenant 20 ans, qu'il va perdre entre 2 et 10 ans, sa fille unique. Lorsque je sors, c'est immédiat, je vomis dans la poubelle au coin de l'entrée. L'agent de sécurité me rassure, ça arrive souvent, mais je me sens honteuse, il m'offre une cigarette et je l'accepte. Une cigarette fumée en silence, juste en regardant le ballet des gens qui vont et qui viennent, puis il me salue, me demande si j'ai besoin d'un taxi... je souris, non, je vais marcher.

"Tu es blonde." Me dit il comme si je lui avais annoncé que je voulais quitter le journal, pour me lancer dans une carrière de patineuse pour Holliday On Ice. Pourtant ce n'est pas si dramatique, mais Nathan est comme ça, il est... terre à terre, tout mon contraire, tout ce que Gabriel n'est pas. Nathan croise les bras sur sa poitrine, et me regarde. "Donc, notre fils a eu une infection, a fait de l’hôpital... et tu as décidé après t'être coupée les cheveux seule, que tu allais te teindre les cheveux en blonde?" La récapitulation, semble aussi simple que bonjour, mais ces événements mis bout à bout, ont littéralement bouleversé ma vie. Je suis allée réaliser, mon premier et dernier testament aussi dans la semaine, mais ça, il ne le sait pas. Comme il ne sait pas que les sacs de voyage dans l'entrée, sont le signe que je le quitte. Que je quitte notre vie, pour rejoindre Buffalo. "Nathan, c'est finit... je pense que la séparation est inévitable... c'est la seule conclusion que je peux t'apporter. mais je t'ai aimé." Il ne se bat pas, il capitule, il sait que je suis déterminée dans toutes mes décisions, même dans les plus folles. J'attache Ethan dans le siège auto, et je charge la voiture de nos sacs. "Où on va maman?" Me demande t-il, tout en dessinant sur l'écran de mon portable. "Voir ton papa mon amour." Il ne répond pas, à 2 ans et demi, on comprend beaucoup de choses mine de rien. De toute façon, je le savais au fond de moi... En grandissant, il a son exact regard, ses yeux si perçant et magnifique. 2 deux et demi, sans se voir, c'est le moment, et puis je me sais condamnée... j'aimerais qu'Ethan grandisse auprès de son vrai père, celui qui a toujours été là. Une larme coule sur ma joue, pour se perdre sur le col de ma chemise. "Pourquoi tu pleures maman? T'es triste?" Me demande t-il dans son langage à lui, un sourire s'affiche instantanément. "Non, mon chéri, je souris, tu devrais dormir mon amour, la route est longue jusqu'à Buffalo."