Quand je suis né, on a tout de suite su que ça serait un calvaire. Non pas parce que je n'ai jamais eu de père. Non pas parce que mon frère était déjà jaloux de moi dans le ventre de ma mère. Mais tout simplement à cause de cette malformation à ma jambe droite. Et ça a fait peur à ma mère.
« Mais c'est quoi ce truc! » s'était elle écriée alors qu'Andrew était entré dans la chambre.
« Ne regarde pas 'Drew! » j'avais mi quelques secondes à pousser mon premier cri, mais il faut croire que ça ne les avait pas plus choqué que ça. La seule chose qui les intéressait et les fascinait, c'était bel et bien que ma jambe droite soit atrophiée.
« Ahhhh, mais c'est moche! Mon frère est moche! » avait il chantonné étrangement tout de suite rassuré. Je ne serai pas celui qui lui volerait la vedette en ville et auprès de maman.
« Ne dis pas ça de ton frère Andrew » dit ma mère à bout de force.
« Mais c'est vrai maman, regarde le! » dit-il en pointant ma jambe.
« On ne dit pas ça de son frère » dit-elle sans sembler totalement convaincue.
« Mais maman! » dit-il en faisant mine de bouder.
Mais il avait eu raison. Je n'avais jamais eu l'attention que j'aurai pu avoir. J'étais bien vite devenu un boulet pour la famille Wilson qui peu de temps avant ma naissance avait été amputée de mon père qui était mort dans un accident de voiture en ville. Mais j'étais le "claudiquant". Celui qui ne marchait pas bien, qui ne pouvait pas faire de sport et pour qui il fallait donc adapter les choses.
« Nan tu viens pas jouer avec nous Sloppy! Tu vas nous ralentir! » disait Andrew quand il allait sortir pour jouer avec des amis de son âge. Et il avait raison. J'étais toujours à la ramasse.
« Reste avec maman ... » je haussais les épaules vainement. Quatre ans, et j'étais presque toujours cloitré à la maison.
« T'as toujours pas décidé de parler? » me dit ma mère doucement assise à la table du salon. Je la regardais et haussait les épaules vainement de nouveau. C'était probablement ce que je savais faire de mieux. Je n'avais jamais appris à parler. Est ce que je sentais que ma mère était mal à l'aise quand elle était seule avec moi? Qu'elle m'en voulait d'être anormal. Dans la lune. Parce que je n'étais pas un gros bras comme Andrew? Parce que j'étais toujours dans ses pattes ...
« Tu es désespérant Jimmy, tu le sait ça? » mais comme à mon habitude je ne répondais pas.
Le temps passait. Et je grandissait, toujours avec ce défaut. J'étais jamais allé chez le médecin
« Ca nous couterait trop d'argent, on n'en a pas assez pour que tu doive le dépenser pour ton pied. Tu marches quand même très bien alors ça suffit. Et puis bon aller voir des spécialistes à travers le pays juste parce que tu boites ... c'est n'importe quoi! » disait elle en me regardant avec mépris. J'étais assis sur un banc au centre ville. Un carnet de dessin trônait sur mes genoux et j'étais en train de dessiner cette petite fille qui me fascinait depuis toujours. Eleonore. Elle était belle Ellie et c'était toujours un plaisir de la dessiner. J'arrivais à capturer cette tristesse qu'elle avait dans les yeux. Et c'est la que Thomas est passé. Thomas était le meilleur ami de mon frère. Il avait une bande de gros bras qui semaient la panique et j'étais bien entendu, leur souffre douleur.
« Oh mais regardez c'est cet imbécile de Sloppy! » en entendant sa voix je me crispais immédiatement et fermais instinctivement le carnet de croquis.
« Me dit pas que t'es sourd en plus d'être muet, imbécile! » dit-il alors que le groupe était à présent en face de moi. Je hochais les épaules vainement, comme à mon habitude. Je savais déjà très bien ce qui allait se passer. C'était toujours pareil.
« Je comprend pas comment Sloppy peut être le frère d'Andrew! » ajoutait un second tandis que Thomas donnait un coup de pied dans mon carnet qui tombait par terre.
« Ohhhh, regardez! J'ai fait tombé son cahier. Tu vas faire quoi Sloppy ? » il prit le carnet à terre et le lança plus loin.
« Tu vas boiter un peu plus loin pour le ramasser!? » ce que ... effectivement je fis. Et qui eut pour mérite de déclencher les hostilités. Les coups se mirent à pleuvoir avec une rapidité déconcertante. Je sentais mes côtes douloureuses. Ma bouche était remplie de sang, et le coup fatal fut mon nez que je sentis se briser. Tête par terre quand ils en eurent marre ils déguerpir.
« Endurcit toi un peu le débile! ». Tremblant comme une feuille je restais quelques secondes à respirer la poussière quand je sentis une main se poser sur mon épaule. Surpris, pensant que le groupe venait me donner une seconde raclée, je fis douloureusement volte face pour voir son visage baigné de lumière. Ellie. c'était elle. Qu'est ce qu'elle faisait la. L'oeil et la lèvre enflée, une fois de plus je me sentais mal à l'aise.
« Oh mon dieu, Jimmy! » elle posa sa main sur ma joue tuméfiée et je sentis mon souffle se couper.
« répond moi Jimmy, ça va? » est ce qu'elle était la seule en ville à savoir que je ne parlais pas? Il fallait croire parce qu'elle s'acharnait à essayer de me faire répondre. Mais j'étais terrifié par la douleur, et surtout par sa présence que je ne comprenais pas. Posant mes yeux sur le cahier non loin elle suivit mon regard et allait le ramasser.
« C'est à toi je crois. Tiens! » dit-elle en le posant dans mes mains.
« Tu devrais pas te laisser faire! ... ça leur passera, ils sont méchants mais ils trouveront bien une autre cible. » je haussais les épaules et me relevais doucement. Tentant de lui sourire je n'y parvenais pas et me retournais pour rentrer chez moi. Elle m'avait parlé. Ellie ... Ellie m'avait parlé.
Le temps continuait à passer et mon frère était toujours aussi populaire que j'étais impopulaire. Je leur faisait probablement peur. La différence faisait peur. C'était probablement ça. Ellie était la seule à se montrer à être gentille avec moi. Elle était ma seule amie. Ma meilleure amie.
« Tu voudrais bien me dessiner un jour ? » me demanda t'elle alors qu'on était allongés dans un champ baigné de lumière.
« D'accord » elle s'était relevée sur les coudes.
« Mais tu parles! Jimmy, tu parles! » avait elle hurlé. Elle avait eu l'habitude que ça soit un monologue de son côté qu'entendre le son de ma voix lui avait paru irréel. Et à moi aussi. Je ne savais même pas que ma voix ressemblait à ça. Et comme tout mon être, je la trouvais moche. Je hochais de la tête en vain.
« Ah non, je t'interdis de hocher la tête! » dit elle en prenant mes mains. Elle était superbe Ellie. Magnifique. Un espèce d'ange descendu du ciel.
« Si tu veux » dis-je avant d'attraper mon cahier et le crayon.
Je parlais et ça n'avait pas arrangé les choses. Y'avait des conflits et les Etats Unis avaient besoin d'hommes. C'est pour ça que comme tout le monde attendait de lui, Andrew y est parti. Ma mère était tellement fière.
« Oh mon fils! » disait elle alors qu'il allait partir.
« Reviens moi! Reviens moi! » répétait elle en le serrant tout contre lui. Moi j'étais un peu plus loin, mal à l'aise. Je n'étais pas vraiment proche de mon frère, mais j'avais pas forcément envie qu'il meure au combat. Certes il était fort, et il aimait son pays, mais ... est ce qu'il savait? Moi qui avait une "grande" expérience de face dans la boue, j'étais pas certain que Drew était bâti pour subir ça.
« Au revoir Sloppy! » dit il
« Allez viens par la quand même! » ajoutait il en me prenant dans ses bras. La première étreinte fraternelle de toute ma vie.
« Courage Andrew! » murmurais-je a son oreille en le regardant partir.
Je l'imaginais au combat, j'essayais de comprendre ce qui se passait. Les choses n'avaient pas changé ici à Buffalo. J'étais toujours l'idiot du village, le malpropre, le débraillé. J'étais toujours
Sloppy Wilson comme mon frère m'appellait toujours. Mais j'avais eu la chance de trouver un emploi à l'épicerie de la ville. . Si j'étais un peu étrange, je prenais ce rôle très au sérieux.
« Si jamais des produits sont trop hauts pour vour, n'hésitez pas à me demander. Ou même si vous ne trouvez pas votre bonheur! » aimais-je dire aux clients bien que l'ironie au vu de mon pied était fort présente. Même si ma ville ne le me rendait pas bien, moi je l'aimais ... Et puis ...
« Jimmy! JIMMYYYYYYYY! » avait elle hurlé en entrant dans l'épicerie en trombe.
« Quoi? » « Ton frère! » son visage était bouffi ...
« QUOI MON FRERE! » elle tremblait un peu.
« Il est mort! » Ca me tombe dessus comme un coup de massue.
« C'est pas possible! » les yeux hagard, j'avais couru -enfin à mon rythme- jusqu'à chez moi pour prendre ma mère dans les bras.
« Arrête! » dit-elle en me repoussant.
« Mais maman » mais son visage était fermé. Elle avait pleuré, elle en avait versé des larmes pour son aîné mort au combat.
« Maman ... » elle ne m'adressais pas un seul regard.
« J'aurai préféré que ça soit toi qui soit mort. J'aurai préféré que ça soit lui qui soit à ta place » ses paroles me blessèrent plus que jamais. Je savais bien qu'elle ne m'aimait pas autant que lui mais pas à ce point la.
« J'aurai du te noyer quand tu étais bébé comme on m'avait recommandé de le faire. »Quand je pensais qu'on ne pouvais pas me haïr plus que dans mon enfance, la haine eut toute une autre dimension. J'étais encore vivant et je leur rappelait à chaque demi-pas que je faisais que mon frère lui, était mort pour le pays. Mort alors que moi je continuais à vivre. Je m'efforçais de continuer sans prêter attention à eux, à ce qu'ils disaient, comme j'avais toujours fait. J'avais quelques personnes qui m'appréciaient quand même, notamment le nouveau propriétaire de l'épicerie, mon meilleur ami maintenant, qui m'a bien sûr gardé. Et puis Ellie ... Ellie que je voyais rencontrer des hommes plus intéressant que moi. Ellie que j'ai blessée en embrassant sa meilleure amie qui est venue vers moi pour me dévergonder.
« Que ... qu'est ce que tu fais Zoey? » Elle n'avait rien répondu et s'était contentée de me déshabiller prenant les choses en main. Et elle savait bien qu'Ellie allait arriver.
« Je ne te pensais pas comme ça Jimmy! » avait dit Ellie d'un ton qui valait mille claques ou nez brisé. Je ne comprenais pas sa réaction et encore moins la douleur dans ses yeux quand elle me regardait comme un moins que rien. Elle voyait des hommes elles ... non? Pourquoi pas moi. Je n'avais rien répondu, comme d'habitude me contentant de hausser les épaules en vain. Puis je m'allongeais de nouveau et regardais Zoey.
« Non mais tu pensais quoi Sloppy! Que quelqu'un pouvait t'aimer!? Tu rêves. C'était un pari tout ça. » et effectivement, elle avait parié avec Thomas ... C'était cruel. Mais j'ai l'habitude ... à force. Faut juste avancer, sans se préoccuper des autres. Se laisser aller dans la boisson ... Oublier ... être oublié.