Un long soupire s’échappa des lèvres de Kelsey. Elle ferma les yeux pendant un instant, histoire de garder son calme, avant de les ouvrir et de regarder son père, puis sa mère. Décidément, ils ne s’entendront jamais.

« Pourquoi je ne peux pas aller à la fête qu’organise Kyla? »

Têtue, Manuela? Absolument.

« Je te l’ai déjà dit, Manny. Tu sais très bien que Jonathan y sera. C’est inévitable. Dès que cette Kyla fait une fête, il y est. »

La brunette roula les yeux et soupira de nouveau. Elle murmura, sans que quiconque puisse l’entendre, que c’était stupide avant de prendre la direction de sa chambre. Elle s’allongea sur son lit et alluma sa chaine stéréo. Elle appuya sur play et laissa la musique emplir la pièce. Une idée lui vint alors en tête. Elle se dirigea vers sa commode et choisis un t-shirt avant de se diriger vers le garde-robe et y choisir un jeans. Elle enfila sa tenue avant de prendre d’autre vêtements qu’elle disposa sur son lit de façon à ce qu’ils recréent la forme, approximative on s’entend, de son corps avant de quitter en catimini le domicile familial. Elle savait qu’elle jouait gros, mais elle mourait d’envie d’aller à cette fête.

Évidemment, comme tous les plans du genre finissent par être mis à jour, Manny reçu le sermon de sa vie lorsqu’elle rentra à la maison. Elle dût endurer l’interminable discours sur la guerre que se livrent les Kelsey et les Fenley depuis des années, histoire qu’elle connaissait par cœur maintenant, puis sur les raisons qui poussaient ses parents à lui interdire de fréquenter, voir même croiser le chemin des Fenley. Ridicule. Tandis que ses parents parlaient, tout ce qui occupait la tête de Manny était à quel point cette guerre était ridicule. Ne pouvaient-ils donc pas enterrer la hache de guerre? Prétendant être redevenue la petite fille sage et obéissante qu’ils avaient toujours espéré avoir, Manny hocha la tête et fit une petite moue avant de s’excuser auprès de ses parents, leur promettant qu’elle ne leur désobéirait plus jamais.

Mensonge. Si vous saviez combien de fois, au cours de son adolescence, Manny a joué dans le dos de ses parents, passant la soirée avec des amis, et des amis de ses amis qui incluaient des Fenley, prétextant une soirée entre filles pour que la pilule passe. Si on ajoute en plus les quelques sauts d’humeur et le désir de s’isoler de plus en plus présent, nous dirons que Manuela a eu sa crise d’adolescence. Enfin, chaque fois qu’elle avait un comportement déplacé face à des invités, ses parents mettaient tout sur le dos de la crise d’adolescence. Classique.

Lorsque Manny n’était pas en train de trainer avec ses copains, elle passait le plus clair de son temps dans la cour arrière de la maison, un livre à la main. Dans ces moments, les Kelsey avaient l’impression de voir la fille qu’ils avaient toujours rêvé d’avoir. Une enfant sage, qui ne fait pas de vague. Ils avaient même espoir, certains après-midi d’été alors qu’ils la voyaient travailler sur la ferme, qu’elle aiderait à faire vivre l’entreprise. C’était bien mal connaitre leur fille.

Avec l’âge vient la maturité, sans doute. Manuela a finalement quitté l’adolescence pour se diriger vers l’âge adulte. Si certains, j’entends par certains la majorité de la famille Kelsey, pouvaient croire qu’elle entrerait dans le rang, qu’elle obéirait à la famille et qu’elle ferait parti de l’entreprise familiale, c’était bien mal juger l’évolution de la jeune femme. Son côté solitaire et indépendant n’a fait que se développer au fil du temps. Pas besoin de papa et maman pour vivre… enfin si, mais jusqu’à une certaine limite. Que dire de ses frères et sœurs? Si pendant l’enfance, ils n’étaient pas proches, la situation s’est aggravée avec les années. Avec sa sœur, c’est pas la joie. En fait, Plus les jours passent, plus Manny trouve sa sœur insupportable. Il n’y a pas que l’entreprise familiale et les problèmes liés à cette stupide « guerre des clans » dans la vie. Il faudrait qu’elle apprenne à vivre, selon Manny. Pour ce qui est de son frère, Manuela le trouve maintenant trop pris dans cet engrenage. Elle peut voir qu’il a une grande pression sur les épaules. Il doit suivre les traces de son père. S’il prenait le temps de souffler un peu et s’il n’avait pas cette folie des grandeurs, peut-être qu’elle pourrait l’apprécier. Peut-être.

La seule personne, dans cette famille de fou, avec qui Manny s’entend bien, c’est Leeroy, son demi-frère. Rencontré il y a six mois, ç’a tout de suite cliqué. Il dégageait un truc qui disait à Manny qu’elle pouvait lui faire confiance. Si elle ne l’appelle pas encore son frère, elle lui confie presque tout… hormis le fait qu’elle travaille pour les Fenley.

Il serait peut-être important d’en parler un peu plus en profondeur de ça. En effet, Manny est passée du côté « ennemi » comme disaient ses parents. S’ils savaient, ils deviendraient rouges de colère. Peut-être que son pauvre père viendrait à en faire une crise cardiaque, qui sait? Enfin, ça ferait un parent de moins sur son dos. Enfin, suffit les rêveries et revenons à notre sujet principale, soit l’emploi de Manny. Elle est monitrice. Que ce soit s’occuper d’enfants qui souhaitent apprendre l’équitation ou aider des gens, comme Rory, qui font de la rééducation, Manny adore toutes les facettes de son travail. Elle est dans son élément. Elle adore être en contact avec les gens et c’est probablement ce qui la rend aussi douée pour ce qu’elle fait. Elle tente de comprendre les gens qu’elle côtoie. Certains ont une peur bleue des chevaux et viennent la voir pour tenter de vaincre cette peur ou comme Rory, ils viennent de vivre un accident et tentent de se remettre en selle. (quel jeu de mot!) Quoi qu’il en soit, cet aspect de sa vie, Manuela n’en parle pas. Les gens du centre ne savent pas son nom de famille. Là-bas, elle est juste Manny et c’est très bien ainsi. Pas question que l’on sache qu’elle est en fait une Kelsey. Elle se ferait sans aucun doute virer et elle tient beaucoup trop à ce job pour dévoiler la vérité au grand jour.