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"Salut, je m'appelle Abraham, mais tout le monde m'appelle Junior". La fillette, visiblement timide a hésité à répondre un instant.
"Moi c'est Emma". J'étais un enfant très sociable lorsque j'étais petit, à chaque fois que mon père m'emmenait au parc je me faisais de nouveaux amis, c'était peut-être mon charme ? Ou alors c'est tout simplement parce qu'il suffit d'un "Bonjour", pour devenir le meilleur ami de quelqu'un lorsqu'on est encore qu'un gamin. Mais à peine j'ai commencé à jouer avec Emma que j'ai entendu mon père hurler après moi. J'avais fait une connerie, c'est tout ce que je sais. Lorsque je le voyais marcher aussi énergiquement vers moi, les sourcils froncés et avec cette grimace, je savais que j'allais m'en prendre une. Une petite claque derrière la tête, comme d'habitude et un
"On rentre maintenant". Aucune autre explication. Je me suis retourné et j'ai fait signe en guise d'au revoir à Emma.
Je ne me sentais pas très bien, à la maison papa et maman se disputaient et c'était à cause moi.
"Ton fils fréquente la fille de Fenley !" "Mais voyons Francis, il n'a que cinq ans ! ". Je ne comprenais pas, j'étais sans doute trop jeune pour comprendre.
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"Aller mon chéri, sois sage et écoute bien ton institutrice". Je regardais ma mère retenant ses larmes.
"Pourquoi tu pleures, maman ?". Elle me sourit et s'accroupit tout en me caressant la joue.
"Tu grandis si vite, je n'imaginais pas que ça me ferais cet effet de te voir partir à l'école pour la première fois". Elle déposa un baiser sur mon front.
"Aller file maintenant". Je suis partis en courant en direction de la coure de récréation. Je connaissais déjà plusieurs enfants qui venaient au parc avec leurs parents et avec qui j'ai déjà eu l'occasion de jouer.
Le cours avait commencé, l'institutrice venait de se présenter et nous demanda d'en faire autant. Certains prénoms m'étaient familiers, d'autres moins, mais un seul attira mon attention
"Emma". Je me suis immédiatement retourné, elle était déjà en train de me regarder avec un sourire aux lèvres. Assez surpris, mais aussi assez content de la revoir après tout ce temps. A la pause, nous nous sommes rejoint pour parler de ce qui s'était passé le jour où nous nous sommes rencontré.
"Hey ! Ca fait vraiment longtemps qu'on ne s'était pas vu, je ne te voyais plus au parc...". Le sourire de la fillette à disparus subitement et baissa le regard.
"Mon papa ne m'y emmène plus depuis la dernière fois, le soir même il s'est fort disputé avec maman..." "Chez moi aussi ils se sont disputés le soir même. Je crois que nos papas ne s'aiment pas trop".
"Tu crois qu'on peut être ami quand même ?" "J'en suis sûr !".
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Il était passé minuit, je me suis débrouillé pour sortir en douce de chez moi et je me suis rendu chez Emma, à partir de là, je suis resté caché jusqu'au moment où toutes les lumières de la maison soient éteinte. J'ai fait un petit détour par le jardin de la mère d'Emma et j'y ai cueilli trois des plus belles roses du jardin. J'étais enfin prêt à rejoindre Emma. J'ai escaladé l'arbre qui me mènerait à sa fenêtre. Malheureusement ce n'était pas gagné, le chien venait de rappliquer avec ses aboiements qui allaient surement réveiller le vieux Fenley.
"La ferme, Rox... La ferme bordel !". Il n'était pas méchant, non, il était très joueur par contre. La lumière du rez-de-chaussé fit battre mon coeur à toute allure, il allait surement me remarquer ici et j'allais sans doute passer un sale quart d'heure. Mais soudainement une idée de génie me vint à l'esprit, j'avais enlevé ma chaussure et je l'ai lancé aussi loin que possible, le chien s'est alors précipité pour la chercher. Les abboiements ayant cessé, le vieux Fenley a abandonné l'idée de sortir dehors pour voir ce qui se passait, la lumière s'était donc éteinte à nouveau. J'ai toqué délicatement à la fenêtre, à peine a-t-elle eu le temps de l'ouvrir que je lui ai chuchoté
"Joyeux anniversaire mon amour". Avant de déposer un baiser sur ses lèvres. Elle me laissa entrer.
"Voilà pour toi". Je lui ai tendu les trois roses avec mon plus beau sourire.
"Je parie que tu les as prise dans le jardin de ma mère, je me trompe ?".
"Euh... Non, pas du tout... Enfin, ouais un petit peu". Alors qu'elle déposait les roses sur son bureau, moi j'avais décidé de m'asseoir sur le lit.
"Alors ? Qu'est ce qui pourrait te faire plaisir pour ton seizième anniversaire". Elle contempla les roses encore un instant, ensuite elle s'est retournée et avec un joli sourire elle m'annonça.
"J'ai ma petite idée". Elle s'approcha de moi et commença par m'embrasser. Elle glissa ses mains sous mon t-shirt. Ce soir nous l'avions fait pour la première fois.
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Aujourd'hui, j'étais vraiment de bonne humeur. Cela faisait quelques jours que je venais de devenir un homme, un vrais. Du moins, c'est ce que pensait le jeune "moi", lorsqu'il venait de tromper son biscuit pour première fois. Et aujourd'hui la maison était rien qu'à moi. J'en avais alors profité pour inviter Emma chez moi. Je n'étais pas un as en cuisine, mais j'ai réussi tant bien que mal à faire quelques pancakes, un joli bouquet de fleur et même ranger ma chambre pour une fois. Voilà tout était prêt.
"toc toc toc". C'était surement elle. Je me suis alors précipité pour ouvrir la porte. Surprise, ce n'était pas Emma que j'ai vu, mais son père. Celui-ci me balança la chaussure que j'avais lancé à travers son jardin l'autre soir, le chien ne l'avait pas épargné celle-là.
"Putain de Kelsey". Il me donna un coup de poing en plein dans le nez.
"Et ne t'avise plus jamais de te rapprocher de ma fille". C'était la dernière chose dont je me suis souvenu avant de tomber dans les vapes.
"Fiston, fiston !". je sentais mon père qui me giflais doucement pour me réveiller. Je me suis relevé et j'ai regardé mes vêtements tâché de sang, j'ai mis quelques instants pour réaliser ce qui s'est vraiment passé. Est-ce que le vieux Fenley à tout raconter à mon père ? Non, bien sûr que non, je suis prêt à parier qu'il aurait tout fait pour que le fameux Francis Kelsey ne sache jamais que son fils aîné a couché avec une de ses filles.
"Qu'est ce qui s'est passé, Junior ?" "J'ai... J'ai fait un malaise et je me suis cogné contre le coin du meuble à côté de la porte d'entrée je crois...". Ma mère, évidemment, paniquée, en a conclut que je manquais de vitamines, elle est partie jeter à la poubelle les pancakes, apparemment immangeable et a commencé à préparer un bon repas pour me remettre sur patte.
"Maman, je vais prendre une douche et je vais me coucher directement, pas la peine de cuisiner pour moi".Je n'avais, bien entendu, pas l'intention d'écouter les menaces de Fenley. Notre amour était plus fort que tout, du moins c'est ce que je pensais. Lorsque le jour d'après nous nous sommes vus, elle m'a dit que notre amour n'était pas possible, que même si elle était certaine qu'on pouvait s'aimer toute notre vie, elle ne voulait pas rester constamment cacher, il fallait selon elle qu'on refasse nos vies, chacun de notre côté.
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J'ouvrais la porte et d'une voix énergique je lançais un "
Il y a quoi à manger ?". Avant de me jeter dans le fauteuil. "Oooh Abraham ! Tu sors tout juste du travail, tu vas salir le canapé... Prend une douche et on reparlera de nourriture". J'avais prévus la réaction de ma mère, j'ai donc lâché un petit rire, j'ai voulu prendre la direction de l'escalier pour monter à l'étage et me laver. Mais en me dirigeant par là j'ai remarqué une lettre déjà ouverte posé sur un meuble.
"Tien, c'est quoi ça ?" Mon père, était généralement imperturbable lorsqu'il lisait son journal, du coup je m'attendais à une réponse de ma mère, mais ce dernier l'a devancé.
"Ca, fiston, c'est une invitation à un mariage... Pas n'importe quel mariage, le mariage d'une Fenley. Le problème c'est quoi ? C'est qu'aucun de mes frères n'a reçu d'invitation, seulement nous...". J'ai eu un coup de chaud soudainement.
"... Je suis prêt à parier que cet enfoiré de Fenley, se ferait une joie de nous dire qu'on n'était pas invité et que la lettre est arrivée à notre adresse par accident, on ne va pas rentrer dans leur piège". J'ai été soulagé de savoir que mon père ne s'est pas douté qu'il y a eu une liaison entre moi et la fille de Fenley un moment donné, mais j'ai été complètement anéantis par la nouvelle du mariage de la fille que j'aimais.
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Je ne l'ai plus revus depuis, ce n'est pas vraiment un hasard, j'évitais simplement de me retrouver aux mêmes endroits qu'elle, la ville est petite, mais lorsqu'on la connait comme sa propre poche, ça devient beaucoup plus facile d'éviter certains endroits. Je me suis plutôt concentré sur mon travail, sur mes amis et surtout sur ma famille. Les histoires d'amour ne sont pas faites pour moi.