L'attente, interminable. Avant le retour à la réalité. Le réveil face au soleil. Mais est-ce bien le soleil ? Il est semblable au leur, il est semblable aux autres. Un gémissement douloureux, sur la gauche. Le regard qui se perd, qui le croise. Toujours vivant ? Il faut croire. Mais pourtant. La réalité. La vérité finit par claquer. Elle aussi. Vraiment ?
Le retour à terre. Sans regard en arrière. Une tombe. Fleurie. Récemment à première vue. Une belle tombe blanche, mais déjà trop ancienne. Pourquoi ?
Un regard vers l'horizon. Aucun retour en arrière, aucun regard. Une paire d'yeux interrogatrice. Un simple coup d'oeil. Puis un simple mot. Pourquoi ? Une expression intriguée. Pourquoi ... quoi ? Une idée fixe. Une pensée. Une impression non calculée. Puis le flot qui se déverse. Pourquoi ?
Pour tout. Watch Over You Si l'on remonte loin, on se rend compte que quelque chose cloche déjà. Trop d'or, trop d'argent, trop de marbre. Il lève son regard vers le plafond, joue avec une balle en mousse à laquelle il tente de faire frapper le plâtre immaculé mais trop élevé. L'ennui. Profond. Incessant. Macaire fait encore trop de bruit. Macaire fait toujours trop de bruit. Comme pour rompre l'ennui. L'ennui n'a pas vraiment d'issue. Il peut être rompu. Parfois. Il exige un prix, un effort. Dans ce monde, il apparaît comme indécent. Inconcevable. C'est ainsi qu'on le nomme. Il est inhérent mais invisible. Inexistant. Belle hérésie. Lorsqu'on lui répète que les idées des uns doivent devenir les siennes. Il répond que les idées des uns n'ont pas à devenir celle des autres. En général, la réplique est violente. Physique. En contemplant le plafond, il pense souvent au nombre de fois où il a rencontré le sol. Aussi dur, aussi albâtre, aussi immaculé que le plafond si on ignore les traces de sang. Il n'y a pas de sang au plafond. L'idée paraît étrange. Presque religieuse. Biblique ? Un rire nerveux, sans joie. Ce texte, il aurait presque fini par le haïr s'il n'en avait pas cru un mot. Il était logique sans être cohérent. Il était idiot mais tellement réel. Tangible dans l'invisible.
Le rythme est interrompu. Macaire a arrêté de faire du bruit. Il est intrigué. Il récupère l'objet de son attention puis se relève. Les pièces sont immenses, bien trop grandes. Indécentes. Il parcourt les couloirs, accède à l'entrée. Elle est là, dans ses bras à elle. Comme une forme de Messie attendu. Elle est belle. Macaire arrive à son tour, l'observe, la trouve flétrie, indigne de son intérêt, il repart. Ignatz s'approche à son tour. Il est intrigué, c'est certain. Il embrasse sa mère, lui prend ses affaires et quitte les lieux à son tour. Il ne reste plus que lui. Le dernier. Enfin l'avant-dernier. Sans sourire, sans expression, il se rapproche. Pour la voir de plus près. Oui, elle est belle. Elle a ses yeux. Il n'est plus le seul. Elle l'observe, semble lui parler. Alors il répond. Dans sa tête.
Toujours. Tu es et seras toujours une princesse. Et à défaut de ton prince, je serais ton serviteur. Ton chevalier. Contre le reste du monde.
Toujours.
Le vent souffle. Terrible. Une tempête arrive sans doute. Elle est un signe, c'est certain. Les fleurs volent, ne tiennent pas en place. Il les retient entre ses doigts comme on retient de l'eau. L'eau n'est plus, elle a quitté ses yeux. La cérémonie a pris fin depuis bien longtemps. L'albâtre est plantée au milieu des autres. Comme les autres. Seul un nom. Aucune signification. Elle n'est pas réelle, elle est là. Elle est morte.
Un retour en arrière. Un retour en travers du chemin. Les années passent. Elles passent toujours. Elles sont belles. Le sang touche moins souvent l'albâtre. Sauf pour elle. Parce que son sang ne doit jamais tacher le blanc. Il prend tout, sans remords. Il se tait juste. Sauf pour elle. Les années passent, inlassables. Deux ans puis onze. Le chemin de l'école. Cela est risible, tant c'est banal. La fin l'est beaucoup moins. Pour elle.
Les lumières blanches sont aveuglantes sous le plafond de ce lieu de malheur. Les prétendus guérisseurs s'agitent, s’affûtent, sont inutiles. L'heure sonne comme le glas. C'est terminé. La peur laisse place au désespoir. A l'abandon. Pourquoi ? La question revient sans cesse. Elle n'a aucun sens.
Mekenna.
Il ne souvient plus du comment, juste du pourquoi. Il est là face à lui. Le pourquoi en travers de la gorge. On cherche toujours des raisons. On ne trouve pas toujours de réponses. Il n'en livre aucune. Juste un regard. De la pitié. Pour lui ? Impossible. La balle ne franchira pourtant jamais le canon. Là encore, il ne connaît pas la réponse. Il sait juste que. Son reflet était dans ses yeux. Ses yeux à lui aussi.
All Hope Is Gone Par passion pour l'un, par égard pour l'autre. Il a rejoint l'armée. Il est précis, certain. Il en devient même excellent. De quoi lui déclencher un sourire. La vie reprend son cours, comme si elle avait un sens. Une rédemption peut-être. Il encaisse les coups sans broncher. Il répond comme personne. Puis il quitte la terre d'albâtre pour le ciel, le peuple des étoiles. L'apesanteur sous la forme d'une machine de guerre. Un premier service. Dix ans. Des victoires, des défaites, des déceptions comme des pertes. Des médailles mais des regrets. Il apprend vite. Sa curiosité juvénile prend du sens sous le soleil effroyable. Il a bien fait de le lire, lui aussi. Il peut discuter, même s'il déteste ça. Il peut parler, même s'il ne sait jamais vraiment quoi dire. La langue du troisième texte. C'est ainsi qu'il l'appelle. Les autres le prennent pour un fou. Qu'importe. Dix ans. L'Irak puis l'Afghanistan. Vue du ciel.
Sans savoir vraiment pourquoi, il resigne. Dix ans de plus. Dix ans ajournés. Dix ans pour se faire une autre idée.
Il parcourt les rues, arme au poing. Son collègue s'arrête une seconde puis prend une autre direction. Il le suit, interrogatif puis se contente du mouvement. Le chemin de croix. Le bel exemple. Ils atterrissent dans une zone neutre. Une qui prétend l'être. Autant qu'elle le peut. Des occidentaux. Des autochtones. Puis un regard. Un simple regard. Étrangement clair, étrangement familier. Un simple aperçu dans un miroir lui aurait offert la réponse qu'il cherche. Puis sans cela, il comprend. Ce regard-là, il ne le quittera plus. Il finira même par apprendre à le connaître, puis à l'aimer. Désespérément. Une autre raison de sourire. Malgré le lieu, malgré le contexte. Une certaine idée du bonheur. Presque miraculeuse. Les années passent. Les victoires arrivent comme les défaites. Mais la flamme est là, brillante. Un jour en permission au pays, il retourne la voir, elle. La tombe est claire mais qu'importe son regard est brillant. Il est amoureux. Il n'en parle qu'à elle. Ils n'ont pas besoin de savoir. Il ne leur parle plus vraiment de toute façon. A quoi bon ? Il voit le regard fier de son géniteur, parfois. La fierté de voir son cadet suivre la carrière de ses ancêtres. Il s'en fout un peu. Il ne l'a pas fait pour ça. Tout ça est loin, tellement loin. Il a hâte de repartir. Là-bas. Dans le désert. Sur les terres rares. Pour une simple raison. Elle n'a rien de patriotique. Mais elle voit tout l'or du monde. Les années passent. Lentes mais fragiles. Belles mais dangereuses. Qu'importe, le temps est beau. La terre brillante et le regard, inaltérable.
Un voile pourtant vient l'altérer. Un voile clair, figé. Effroyablement glacé. Le coup de trop. Le coup du Diable. Le mal a frappé. On ignore d'où viennent les tirs. Les victimes se comptent pourtant. Les doigts n'y suffisent pas. Et le regard s'éteint. A jamais. Lui aussi. Comme le sien. A elle. Il s'effondre sur ses genoux, son visage entre les mains. La vie y coule comme de l'eau. Elle s'échappe inexorablement et ne revient jamais. L'espoir fuit à son tour, comme sa rédemption. Pas de vengeance en vue. Juste une guérison. Qui ne viendra jamais.
Broken Wings Il déteste ce pays. Ses dunes, ses idées. Il poursuit sa route, sans passion, ni vergogne. Quand il rentre, c'est pour la voir elle et personne d'autre. On ne comprend pas. Il n'y a rien à comprendre. Les mots ne franchissent pas souvent le seuil. Pour dire quoi ? Les années passent. Douloureuses. Interminables. La vie au long cours, bien trop long. La prudence n'est plus vraiment de mise. On monte en grade, lentement. Ça n'a que peu d'intérêt mais qui sait. Encore quelques années à tirer.
La patrouille poursuit sa ronde. Il connaît les lieux par coeur. Par choix, par envie aussi parfois. Avant. Tout est toujours avant. Parfois il y pense comme la fois de trop. Peut-être est-ce le cas. Peut-être était-ce le cas. Les lieux sont changeants, imprévisibles. Définitivement imprévisibles. La course se poursuit sans encombres. Et puis. La fin atterrit dans le désert. Littéralement. Les décombres. La fumée. Le brouillard incessant du sable mêlé aux flammes. La lumière vive. Aveuglante. Un dernier sourire.
C'était seulement le soleil.
Le réveil est rude. Douloureux. Étouffant. Particulièrement étouffant. Les questions fusent, intérieures, à l'image de l'incompréhension. Le sens lui manque. Les regards se joignent au sien. Les propos volent à leur tour. De l'arabe mal articulée, de l'anglais mal prononcée. Le sens lui échappe. Encore. Il paraît comprendre. Il se rendort aussitôt. Les mots n'ont plus d'importance. Il se surprend à prier. Mais pas pour survivre. Pas cette fois.
La suite en décide pourtant autrement. Il est sauvé. Il doit l'être. Son géniteur paraît déçu. Il se prend à penser que c'est vraiment un imbécile. Un dernier puis encore un. Qui pense de la sorte ? Allez savoir. La foi ne l'a pas rendu humain pour autant. Ça en apparaît navrant. Vraiment. Tout n'est pas terminé pourtant. Les dégâts sont là, bien présents. L'espoir aussi. Il n'y croit plus vraiment mais qu'importe. On y croit pour lui. Macaire ne dit rien. C'est bien la première fois. Il n'est pas censé avoir une gamine celui-là ? Il s'y perd. Il n'a plus envie. Juste plus envie. La chance s'accroche pourtant mais l'âme a ses raisons. Les dégâts sont très importants. Ou plutôt l'erreur est humaine. Désespérément humaine. Les excuses pleuvent mais il veut juste le verdict. Il arrive à son tour. Moins implacable que promis. Un sursis. Jusqu'à ce que la chance lui parvienne. Il est chanceux après tout. Il n'a pas envie de l'être. Il vît pourtant. L'idée cependant d'attendre après la mort. La sienne ou celle d'un autre. L'idée lui déplaît. Fortement. Un substitut. En attendant. Le cœur brisé. Littéralement. Comme si le coeur était devenu le reflet de l'âme. Le repos. Il le faut. Vraiment. En attendant. Il ne veut pas attendre. Le moment venu, il le prendra. Il ne combattra pas une fois de plus. Il a quitté le champ de bataille. C'est terminé. Il haïssait ce pays de toute façon. Après en être tombé amoureux. Une dernière fois.
Brand New Start Il se souvient de lui et de ses mots. Il parlait sans cesse. Da sa famille et de ses lieux. Des conflits comme de la vie. Il écoutait toujours d'une oreille. Maintenant l'idée lui plaît bien. Alors il va prendre la route. Des fleurs sur une tombe. Des regrets envers une autre. Bien trop lointaine. Son coeur brisé comme simulacre. Il fume. Il ne sait même pas pourquoi. Ca va le tuer. C'est certain. Qu'importe. Son sursis est bien là. Autant le vivre. Libre.
La paire d'yeux instigatrice appartient à une grand-mère. Sa partenaire de voyage. Le flot se termine. Le pourquoi flotte toujours dans l'air. Elle paraît comprendre. Pourquoi ?
Pour tout. Pour eux. Pour moi. Pour la vie et sa fin. Pour l'inexorable idée de vivre. Pour mourir libre. Ou bien survivre.
Pour eux.
Pour tout. - Code:
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